Acheteur de matières premières en alimentation animale Définir une stratégie de gestion des risques
Le métier d'acheteur pour la nutrition animale a beaucoup évolué avec l'émergence d'outils de gestion de risques face à la volatilité. Mais les risques ne viennent pas seulement des cours. Définir un cadre de gestion cohérent est dorénavant obligatoire.
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« Etre acheteur est un métier à hauts risques », résumait Kim Benni, directeur des risques de marché chez Terreos, lors de la session Matières premières organisée par l'Aftaa, le 26 janvier. Avant même de parler des marchés internationaux, il souligne combien les risques diffèrent selon le segment de marché. Ainsi, si la nutrition animale commence souvent par fixer ses prix de vente de l'aliment en élevage (on vend pour acheter ses matières premières), elle peut aussi choisir de prendre la chaîne dans l'autre sens en démarrant par l'achat des matières premières qui fixent un coût de revient. Aux commerciaux de vendre ensuite (on achète pour vendre). Chaque type de marché va privilégier un mode de fixation du prix. Ainsi, vendre des aliments ruminants, via des distributeurs, va plus faire appel à une fixation de tarif par période, alors qu'un aliment volaille dans une filière intégrée va plutôt se vendre à terme sur la base des prix d'achats des matières premières.
Chaque modèle génère ses propres risques
Selon la manière dont les tarifs sont fixés, le choix va s'accompagner d'opportunités (possibilité de reformulations, visibilité sur le prix de vente) et de risques différents (compétitions avec les concurrents et les distributeurs, incertitudes sur les volumes). « Fixer un prix d'aliments à terme permet que toutes les optimisations de reformulation restent dans l'entreprise d'aliments, contrairement à ce qui se passe pour des prix fixés dans un tarif mensuel. En effet, dans ce second cas, tous les concurrents vont reformuler et les gains de reformulation vont donc "partir dans la plaine" sous l'effet de la pression concurrentielle, explique Kim Benni. Ce que je veux faire percevoir, c'est que, assez naturellement, les différents modes de commercialisation ne requièrent pas la même stratégie de gestion de risque. » Seconde étape, qui peut paraître basique et qui doit cependant être clairement partagée par tous les opérateurs au sein de l'entreprise : quel est l'objectif de celle-ci ? Veut-elle sécuriser sa marge brute, augmenter sa marge par tonne, faire croître sa part de marché ? Pas question que les commerciaux, pour fidéliser leurs clients, les préviennent avant une hausse...
Enfin, avant de définir une gouvernance de sa position en matière d'achat de matières premières, la structure doit connaître son « pricing power », autrement dit sa possibilité de passer des hausses ou des baisses de coûts dans les prix de vente. Pour construire une stratégie basée sur des données neutres, Kim Benni est parti des indices Ipampa. Il en tire, sur les quelque vingt ans de la série, une volatilité mensuelle (variation potentielle en un mois) qui caractérise de facto le risque économique : « Les matières premières présentent une volatilité élevée, de l'ordre de 4 % par mois, alors que les aliments composés présentent une volatilité moyenne de 2 %, car sur les marchés locaux et fortement concurrentiels, la marge du fabricant sert d'amortisseur. » Passer des hausses s'avère toujours assez délicat, alors qu'un marché baissier est une position inconfortable pour un fabricant d'aliments : la courroie de transmission entre coût et prix n'est donc pas parfaite.
Les enjeux de ce schéma dominant sur le marché français, sont différents dans le processus de prix tiré par un contrat à prix fixe : durant la période du contrat, toute stratégie d'optimisation revient au fabricant même s'il existe un risque non négligeable de renégociation. Il peut s'en prémunir en constituant, grâce à des stratégies d'options, une sorte de « poche » destinée à une remise de fin d'année, conseille Kim Benni.
Entre des marchés amont risqués et des marchés aval concurrentiels avec une courroie de transmission souvent peu efficace, le fabricant doit impérativement établir une limite de position à ses acheteurs.
« La question clé est : combien peut-on se permettre de perdre sans mettre en péril l'entreprise ? Cela dépend de l'appétit pour le risque des actionnaires et de la gouvernance. Une petite suggestion, c'est de regarder les risques sur lesquels on a une valeur ajoutée tangible.
Bien choisir les risques à transférer
En tant que fabricant, vous avez un avantage en formulation et par votre connaissance de l'élevage, mais pour les marchés des matières premières et, encore plus sur la fixation du cours euro/dollar, mieux vaut transférer le risque. Il ne faut pas non plus risquer sur les matières premières plus de 50 % du cash-flow », recommande le spécialiste. Prenons l'exemple d'un fabricant qui fabrique 100 000 t/an à environ 500 €/t et qui accepte de dégrader son résultat de 3 M€ tous les vingt ans (soit 5 % du temps). Il subit, selon l'indice Ipampa, une variation de 4 % par mois du coût de revient de ses matières premières, contre 2 % pour le panier des aliments. Cela revient à une réduction possible de la marge de 11,4 % en un an, soit 57 €/t, selon l'orateur : « La position ouverte de matières premières maximale est donc de 3 M€ divisés par 57 €, soit 52 631 t équivalent produit fini ou bien encore 6,3 mois de production. Mettre en réserve 150 000 € chaque année, permet donc de faire face à une année de mauvais résultat, c'est une sorte d'autoassurance. »
Yanne Boloh
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